TEXTE JEAN CORMIER
EN 1959, ON NE DONNAIT PAS FAVORIS LES RACINGMEN POUR LE TITRE DE CHAMPION
DE FRANCE FACE À MONT-DE-MARSAN. POURTANT, ET MALGRÉ UNE ÉQUIPE AMOCHÉE AU COMBAT,
LES CIEL ET BLANC REMPORTÈRENT LA VICTOIRE AU SEUL COURAGE, ET SOUS LES SIFFLETS D’UN CERTAIN
ARBITRE NOMMÉ ALBERT FERRASSE, FUTUR PRÉSIDENT DE LA FÉDÉRATION FRANCAISE DE RUGBY.
1959
Le racing au courage
dans une cour de ferme
Rien de spécial gare d’Austerlitz en ce lundi 25 mai 1959, le train-train quoti-
dien. Si ce n’est un groupe d’une douzaine de personnes, dont l’une porte un
petit drapeau Ciel et Blanc. Ces gens attendent peut-être des mariés? Parmi
eux Jean Pelizza, international de tennis, représentant les sections du Racing.
De la corbeille des mariés – les rugbymen de Paris ont épousé la gloire –,
émerge un curieux bout de bois, cabossé (il sera d’ailleurs vite restauré), le
Bouclier du Scufiste Brennus. Il est porté par un des dirigeants qui encadrent
le président Roger Lerou, figure emblématique du Racing, aussi fier que tous
ses joueurs réunis. Pas de troisième mi-temps significative pour les nouveaux
champions de France, « un peu de champagne, pas d’abus en tous cas, on
reprenait le boulot en suivant » glisse le capitaine François Moncla, toujours
vert comme un chêne. En fait, lorsque Jacques Chaban-Delmas, ancien inter-
national de rugby qui joua au CASG et à Bègles, alors président de l’Assemblée
nationale, vient dans le vestiaire pour y toucher le trophée tant convoité, le
fameux « bouclar » n’y est pas, il est resté sur le terrain !
« C’est Arnaud Marquesuzaa qui est allé le récupérer », rappelle Michel Debet, la
mémoire de ceRacing de la fin des années 50 et du début des sixties, Debet arrière-
buteur, toujours au service de la fédération comme superviseur des arbitres. « Tout
le monde nous donnait perdant pour cette finale. Il faut dire que l’équipe de
Mont-de-Marsan avait de l’allure, avec un pack robuste mené par le talonneur
Pascalin, Lacroix à la mêlée, et derrière les Boni, André et Guy au centre, et l’ai-
lier Christian Darrouy. On s’est accroché, à treize et demi, Moncla avec une
seule épaule et Crauste avec un doigt de pied cassé… Il y avait du courage, de
la solidarité, de l’envie d’avancer ensemble dans cette équipe du Racing… »
Puis le quinze des Ciel et Blanc décrit : « Il pleuvait, on a joué dans une cour de
ferme avec un ballon à huit panneaux qui pesait le poids d’une pierre. Je tapais
avec mes crampons à bout carré que j’avais fait fabriquer chez Papillon Lacaze
à Pontacq. Ainsi, j’ai pu inscrire cinq points : un but et une transformation. Ce
fut compliqué pour arriver en finale… 8-0 après prolongations contre
l’AS Montferrandaise en seizièmes, 6-0 contre Vienne en huitièmes, 14-5 contre
la grosse équipe des Italiens de Grenoble en quarts et puis 19-3 contre le grand
Lourdes en demi. Pour nous, c’était la revanche de la finale de 1957 que nous
avions perdue de si peu, Michel Vannier jouait à l’arrière… Sûr que comparé à
l’armada lourdaise, on était moins impressionnants sur le papier mais après,
une fois sur le terrain, les gars se sont donnés à fond. Pour cette nouvelle finale,
nous avons joué en contre-attaque comme le proposait l’entraîneur Clément
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1882-2012